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Photo du rédacteurElie Guidi

Sexisme : Tollé général du président des JO de Tokyo 2020

Dernière mise à jour : 27 févr. 2021

Mercredi 3 février, le président du comité d’organisation des Jeux olympiques de Tokyo 2020, Mori Yoshiro, a défrayé la chronique à l’international comme dans son pays. Ce Japonais de 83 ans a tenu des propos sexistes lors d’une réunion du comité olympique. Un phénomène qui montre l’état de l’égalité des sexes peu encourageant au Japon en 2021.


Le patron des JO de Tokyo, Mori Yoshiro, est sous le feu des critiques. Lors d’une réunion avec des responsables du Comité olympique japonais, mercredi 3 février, il a cumulé les propos misogynes. « Les conseils d’administration avec beaucoup de femmes prennent beaucoup de temps », des propos qui vont à l’encontre de l’objectif de 40% d’effectifs féminins dans des comités d’organisation des évènements sportifs, fixé par le ministère japonais des Sports.


Mori Yoshiro, président du comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo 2020 (source : Mainichi Shinbun)

« Si vous augmentez le nombre de membres exécutifs féminins, et que leur temps de parole n’est pas limité dans une certaine mesure, elles ont du mal à finir, ce qui est embêtant » a-t-il continué, soulignant que « si l’une lève la main (pour prendre la parole), les autres croient qu’elles doivent s’exprimer aussi. C’est pour ça que tout le monde finit par parler ». Mais M. Mori ne s’arrête pas là. Le patron des JO de 83 ans a fini par ajouter que les sept femmes au sein du comité d’organisation des JO, elles, « savent rester à leur place ». Une déclaration qui a débouché sur un tollé général, pas seulement au Japon mais à l’échelle internationale.


Prenant compte de l’ampleur de ses propos, M. Mori s’est excusé le lendemain lors d’une conférence de presse à Tokyo. Il a reconnu que ses déclarations étaient « inappropriées » et « allaient à l’encontre de l’esprit des Jeux olympiques et paralympiques ». Il avait même affirmé avoir été « grondé » par son épouse et sa petite-fille.


Rapidement, le polémiste et ancien Premier ministre du Japon (2000-2001) s’est montré déstabilisé face aux questions des journalistes. Lorsqu’un d’eux lui a demandé s’il pensait que d’une manière générale les femmes parlaient trop, M. Mori a répété : « c’est ce que j’entends souvent ». « Je n’en sais rien, car je ne parle pas souvent avec des femmes ces derniers temps », a-t-il encore plaidé. Agacé par les questions, M. Mori finit par lancer aux journalistes : « Vous me posez toutes ces questions parce que vous voulez rendre ces histoires amusantes, c’est ça ? ». Malgré la gêne et l’embarra, l’ancien Premier ministre a écarté toute possibilité de démission.


Les Japonais indignés


Dès le soir du 3 février, le hashtag « M. Mori Yoshiro, retirez-vous » est devenu populaire sur Twitter. Des bénévoles sont nombreux à renoncer à la participation aux JO de cet été. « Je ne veux plus continuer », a déclaré un bénévole de 54 ans au quotidien Mainichi Shinbun. Pour beaucoup, ces propos vont à l’encontre des valeurs portées par les Jeux olympiques.


De nombreuses personnalités se sont ralliées au mouvement de contestation, comme Tamura Atsushi, comédien japonais populaire. Ce jeudi 4 février, il a annoncé qu’il renonçait à participer au relais de la flamme olympique. Kitahara Minori, écrivaine à l’initiative de « Flower Demo », mouvement de protestation contre les violences sexuelles, a déclaré à Mainichi Shinbun que les propos de M. Mori étaient « discriminatoires » et « inadmissibles », soulignant qu’ils « empêcheraient les femmes de s’exprimer, en ridiculisant leur comportement au sein d’une réunion ».


Les propos de M. Mori ont embarrassée jusqu’à l’exécutif du pays. Les membres du gouvernement ont critiqué le patron des JO, sans toutefois réclamer sa démission. La ministre des Jeux olympiques et à l’Egalité des sexes, Hashimoto Seiko, a déclaré vouloir avoir une « discussion franche » avec M. Mori, rappelant que seul le comité d’organisation des JO a le droit de décider le sort de son président. Pour le destituer, il faut l’accord de la moitié des membres du comité, rappelle le Huffington Post.


Au Parlement, Edano Yukio, président du Parti démocrate constitutionnel (PDC), a réclamé au Premier ministre Suga Yoshihide d’agir pour conduire M. Mori à la démission. Le chef du gouvernement a refusé, ajoutant qu’il n’était « pas au courant des détails ». Hué par l’opposition dont le PDC, M. Suga a fini par lâcher que de tels propos « allaient à l’encontre des principes majeurs de l’olympisme dont l’égalité des sexes, et ne devraient pas être permis ».


Quant à la gouverneure de Tokyo, Koike Yuriko, elle a vivement critiqué M. Mori, ce 5 février, en déclarant qu’elle s’était « retrouvée sans voix face à ces propos, qui n’auraient jamais dû exister ». « Ma mission est d’assurer la sécurité et le bon déroulement des Jeux olympiques et paralympiques. C’est aussi celle du Comité d’organisation, et nous faisons face à un problème majeur », a-t-elle ajouté, face à la gronde grandissante.


Le Comité international olympique, lui, « considère que l’affaire est close », puisque le président du comité d’organisation des JO « s’est excusé ».


La polémique reflétant les inégalités hommes-femmes au Japon


Les dérapages verbaux récurrents de M. Mori sont connus dans l’Archipel. Dans le passé, l’ancien Premier ministre en juin 2003, lors d’un débat public sur la faible natalité du Japon, avait déclaré qu’il n’était pas normal « d’aider les femmes n’ayant pas eu d’enfant avec les impôts quand elles deviennent âgées après avoir profité de la liberté ». En 2007, il réplique à Kada Yukiko, alors gouverneure du département de Shiga opposée à la construction d’une nouvelle gare de Shinkansen (TGV japonais), lui lançant : « vous êtes vraiment une femme, vous êtes étroite d’esprit ».


Dans le dernier rapport sur les inégalités hommes-femmes du Forum économique mondial, le Japon se situe à la 121e place sur 153 pays. Il est à la 131e place pour la proportion de femmes à des postes à responsabilité dans les entreprises, la politique et l’administration. La composition du gouvernement japonais est le reflet de cette réalité. L’actuel cabinet du Premier ministre Suga Yoshihide compte 25 ministres dont deux femmes : Kamikawa Yoko, ministre de la Justice, et Hashimoto Seiko, ministre chargée des JO de Tokyo et de l’Egalité des sexes.


Le traitement médiatique de ces questions à sa part de responsabilité. Le quotidien Mainichi Shinbun a qualifié les propos tenus par l’ancien Premier ministre « de propos pouvant être interprétés comme misogynes », une responsabilité rejetée sur la compréhension par les autres et non les déclarations tenues en elles-mêmes. L’apparition du terme « sekuhara », le harcèlement sexuel, dans les journaux est plutôt récent. Il ne remonte guère au-delà de la seconde moitié des années 1980 selon Éric Seizelet, professeur en langue et civilisation japonaises à l'Université Paris-Diderot.



Sources : Mainichi Shinbun, Huffington Post, Asahi Shinbun, Fuji TV, TBS, 20 Minutes, L’Equipe

Rédacteur : Elie Guidi

Secrétaire de rédaction : Louise-Anne Delaune

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