Le tribunal de Sapporo a estimé, mercredi 17 mars, que la non-reconnaissance du mariage entre personnes du même sexe était anticonstitutionnelle. L’Article 24 de la Constitution japonaise dispose que le mariage nécessite un « consentement mutuel des deux sexes. » Une formulation qui laisse la place à beaucoup d’interprétations.
C’est une victoire symbolique pour la communauté LGBT de l’Archipel. Le Tribunal de première instance de Sapporo (département d’Hokkaido, dans le Nord du Japon) a jugé, mercredi 17 mars, que la non-reconnaissance du mariage homosexuel est contraire à l’Article 14 de la Constitution de 1947. Ce dernier dispose que « tous les citoyens sont égaux devant la loi ». La cour a toutefois rejeté la demande d’indemnisation des dommages-intérêts pour souffrances mentales.
Il s’agit du premier jugement rendu dans le cadre d’actions en justice contre l’Etat japonais. Elles ont été engagées en 2019 par une dizaine de couples homosexuels dans cinq villes de l’Archipel. Ils réclament une indemnisation d’un million de yens (7680 euros) par personne pour s’être vu refuser les mêmes droits que les couples hétérosexuels.
L’Etat estime qu’une telle union n’est prévue ni par la Constitution ni par le Code civil japonais. Il souligne que la formulation de « deux sexes », employée dans l’Article 24 de la Constitution, se réfère uniquement aux couples hétérosexuels. Selon le quotidien Mainichi Shinbun, l’Etat considère que le mariage est « une protection juridique accordée (aux couples hétérosexuels) pour le maintien d’une vie conjointe afin d’accoucher et élever des enfants. »
Malgré le jugement historique, la légalisation du mariage homosexuel au Japon n’est toujours pas garantie. Même si les tribunaux déclarent qu’une telle union est conforme à la Constitution, la volonté politique pour sa légalisation reste « au mieux tiède », selon The Japan Times.
Des préjugés contre l’homosexualité importés de l’Occident
Historiquement, le Japon est un pays tolérant à l’homosexualité : plusieurs documents anciens évoquent des relations entre personnes du même sexe. Mais dans la seconde moitié du XIXe siècle, les préjugés occidentaux contre l’homosexualité se sont imposés au fur et à mesure de la modernisation du pays. Comme le souligne le jugement rendu à Sapporo, le 17 mars, « l’homosexualité était considérée, durant lève Meiji (1868-1912), comme une maladie mentale qui doit être guérie et absolument prohibée ».
Depuis, l’opinion japonaise a évolué : 65% des Japonais sont favorables à la légalisation du mariage homosexuel, selon un sondage mené par le quotidien Asahi Shinbun entre le 20 et le 21 mars. En février 2015, 41% des Japonais s‘étaient prononcés en faveurs de sa légalisation d’après le journal. L’enquête révèle également que 86% de la jeunesse du pays, entre 18 et 29 ans, y sont favorables. La tendance est la même chez les partisans du Parti libéral-démocrate, parti conservateur au pouvoir depuis fin 2012 : 57% d’entre eux déclarent aujourd’hui être favorables à la légalisation du mariage homosexuel. Outre le changement de l’opinion publique, plusieurs municipalités au Japon délivrent depuis 2015 des certificats aux couples de même sexe afin de leur faciliter certaines démarches administratives.
Le Japon est toujours considéré à tort, notamment par les médias étrangers, comme le dernier pays de G7 à ne pas légaliser le mariage homosexuel. En réalité, il s’agit plus précisément du dernier membre du groupe à ne pas reconnaître l’union entre personnes du même sexe : l’Italie, elle, accorde seulement une union civile homosexuelle depuis 2016. En Asie, le Japon reste l’un des pays le plus ouvert sur les questions d’orientations sexuelles.
Sources : Sankei Shinbun, Yomiuri Shinbun, Mainichi Shinbun, Asahi Shinbun, Huffington Post, Le Monde, AFP
Rédacteur : Elie Guidi
Secrétaire de rédaction : Louise-Anne Delaune
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