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Photo du rédacteurElie Guidi

Portrait : Sugihara Chiune, le Schindler japonais qui a sauvé des réfugiés de la Shoah

Dernière mise à jour : 17 janv. 2021

Entre 1939 et 1940, le diplomate japonais a délivré des visas à des milliers de Juifs qui fuyaient la Shoah. Ces visas de transit vers le Japon ont permis de sauver leurs vies. Peu médiatisé jusque dans les années 2000, l’histoire de ces visas relie aujourd’hui le Japon et la Lituanie.

Le président lituanien Gitanas Nauseda lors de l’inauguration du nouveau mémorial à Kaunas (Lituanie), le 17 octobre (source : Kyodo News)

La mémoire de Sugihara Chiune et de ses réfugiés sauvés, persistent toujours à quelque 8100 km de l’archipel nippon. Le 17 octobre dernier, un nouveau mémorial a été inauguré à Kaunas (Lituanie), en souvenir du diplomate japonais qui a aidé des milliers de Juifs à échapper la Shoah. La cérémonie d’inauguration a été organisée en présence du président lituanien Gitanas Nauseda et le fils du diplomate, Nobuki.


« Ce n’est pas comme si cet évènement devait être à l’honneur dans les journaux et la télévision », avait déclaré le diplomate peu avant sa mort, refusant qu’une statue en bronze soit érigée à la mémoire de son exploit. Finalement, le nouveau mémorial représente des grues qui s’envolent, un symbole de l’humanité. Un choix, en partie proposé par son fils.


Une démarche purement humaniste et désintéressée


Né en 1900 à Gifu, dans le centre du Japon, Sugihara Chiune est recruté par le ministère japonais des Affaires étrangères en 1922. Affecté à Harbin (Chine), il y étudie le russe et l’allemand. Il s’y convertit au christianisme orthodoxe. En 1939, Sugihara devient vice-consul du Consulat du Japon à Kaunas, pour signaler les mouvements des troupes soviétiques et allemandes à Tokyo.

Bureau de Sugihara à Kaunas avec le drapeau d'origine (source : Wikipedia)

En 1940, la Lituanie est occupée par l’URSS. De nombreux réfugiés juifs de l’Europe de l’Est affluent aux portes de tous les consulats afin de trouver des pays prêts à leur délivrer des visas de sortie. Le consulat japonais n’y fait pas exception, mais la majorité des réfugiés ne remplissaient pas les critères exigés par le Japon (procédures d’immigration appropriées, fonds pour voyager et séjourner au Japon, et un autre visa pour une troisième destination).


A partir de juillet 1940, son homologue néerlandais, Jan Zwartendijk, fournit plus de 2000 visas comprenant comme troisième destination officielle les colonies néerlandaises de l’Amérique du Sud. En bonne intelligence avec Zwartendijk, Sugihara décide lui-aussi d’émettre des visas de transit de dix jours sans l’approbation du ministère des Affaires étrangères. Entre fin juillet et début septembre 1940, il écrit des visas à la main, à raison de 18 à 20 heures par jour.


Un des visas délivrés par Sugihara (source : nippon.com)

Même si Moscou lui avait sommé de quitter la Lituanie bien avant septembre 1940, Sugihara a continué d’émettre des visas depuis son hôtel à Kaunas. Le 5 septembre 1940, jour de son départ, le diplomate délivrait des visas même après être monté à bord du train, les jetant par sa fenêtre aux réfugiés. Alors que le train sortait de la gare, il a jeté des feuilles de papier avec le sceau consulaire et sa signature préparés afin que davantage de visas soient émis après lui. « S’il vous plaît, pardonnez-moi. Je ne peux pas écrire plus. Je vous souhaite le meilleur », a-t-il dit à la dernière seconde en s’inclinant devant la foule.


« Je n’ai rien fait d’extraordinaire. J’ai fait simplement ce qui m’était évident »


Sa démarche humaniste a alors permis à quelque 6000 réfugiés d’emprunter le Transsibérien et passer par le Japon et ses colonies pour rejoindre Curaçao, la Guyane néerlandaise ou encore le ghetto de Shanghai.


En 1945, Sugihara est arrêté avec sa famille en Roumanie par les troupes soviétiques, et exclu du corps diplomatique japonais après la guerre. Libérés en 1946, les Sugihara rentrent au Japon en 1947. Cependant, il est resté discret jusqu’à sa mort en 1986. Il a été réhabilité par le gouvernement japonais en 2000.


L’institut Yad Vashem quant à lui, l’a reconnu en 1984 comme Juste parmi les nations, la plus haute distinction civile décernée par Israël à des personnes non juives qui ont aidé des réfugiés de la Shoah. Un musée commémoratif a été créé en 1999 dans l’ancien consulat japonais à Kaunas pour retracer sa vie. Les noms des Juifs auxquels il a accordé des visas y sont également affichés.


Récemment, le musée ayant subi de plein fouet la crise sanitaire de la Covid-19, a reçu une aide financière de la part du Japon, selon l’Associated Press. Les habitants de Gifu, où Sugihara est né, ont collecté quelque 30 000 euros pour aider le musée à survivre à la pandémie.


Sugihara Chiune (source : japanjournals.com)

Sources : Kyodo News, i24news, Associated Press

Rédacteur : Elie Guidi

Secrétaire de rédaction : Louise-Anne Delaune

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