La Chambre des Conseillers a validé, le samedi 8 décembre, un projet de loi permettant d’accueillir jusqu’à 345.000 travailleurs étrangers au cours des cinq prochaines années, sous des conditions restrictives, en réponse à la sérieuse pénurie de main-d’œuvre. Dès avril 2019, deux nouveaux types de visa devraient être créés selon le niveau de qualification des candidats.
« La politique d’immigration du Japon va connaître une évolution spectaculaire », souligne le Courrier International du mardi 11 décembre. Malgré une forte opposition, la loi sur l’immigration de main d'œuvre – qui autorise la création de nouveaux types de visa permettant le recrutement de travailleurs étrangers – a été approuvée. Celle-ci devrait permettre aux entreprises de combler le déficit de main-d’œuvre induit par le déclin démographique.
En avril 2019, deux types de visas entreront en vigueur. Le premier, d'une durée limitée à cinq ans, est destiné aux travailleurs moyennement qualifiés et capables de s’exprimer en japonais, mais ne leur permet ni d’être accompagnés de leur famille, ni d’accéder au statut de résident permanent. Ces conditions restrictives sont censées empêcher l'intégration et garantir un retour dans le pays d'origine à l'issue de ce séjour forcément temporaire. Le second type de visa sera proposé à des étrangers hautement qualifiés, autorisés à être accompagnés de leur famille, et ouvrant droit, après dix de séjour, au statut de résident permanent.
Les milieux d’affaires réclamaient depuis longtemps de telles mesures pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre que connait le Japon. De plus, selon le Courrier International, l’opinion japonaise s’affirme favorable au changement. Selon une enquête récente, 59 % des Japonais estiment aujourd’hui que les étrangers sont un atout pour le pays.
Cependant, au Parlement, comme dans l'opinion publique, ces nouvelles dispositions ont provoqué diverses formes d'opposition. Les conservateurs s'inquiètent de l'arrivée d'immigrés dans une nation marquée par son homogénéité ethnique et culturelle. Si la présence dans le pays de 1,3 million de non-Japonais pour 127 millions d’habitants n'a, pour l'instant, pas provoqué de tensions particulières, ils disent craindre des problèmes de délinquance et des charges supplémentaires sur le système de sécurité sociale du pays. Les ONG, quant à elles, s'inquiètent du flou entourant la nouvelle loi et du peu de dispositions mises en place pour protéger ces futurs travailleurs étrangers, pointant du doigt les abus déjà constatés. Le samedi 8 décembre, quelques membres de la Chambre haute du Parlement en sont même venus aux mains pour empêcher la promulgation d'un texte déjà adopté par la Chambre basse. Ces comportements ont été vains.
Ces dernières années, Shinzo Abe a encouragé l'arrivée dans le pays d'une main-d’œuvre temporaire par le biais du programme d'accueil de « stagiaires techniques », s’efforçant ainsi de concilier ses conceptions très conservatrices en matière d’immigration, avec les besoins des entreprises. D’après Les Echos du dimanche 8 décembre, des dizaines de milliers de jeunes, essentiellement d'Asie du Sud-Est, ont déboursé jusqu'à 7.000 dollars dans leur pays pour intégrer ce programme avant de déchanter une fois sur place. Leur contrat de travail de cinq ans étant lié à un employeur exclusif, ils sont souvent soumis à de rudes conditions de travail et sont parfois maltraités sans pouvoir se plaindre. Au cours des trois dernières années, 69 de ces « stagiaires » sont décédés suite à des accidents, des suicides, ou pour des raisons de santé.
Sources : Asahi Shinbun, Courrier International, Les Echos
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