Sur fond de crise sanitaire, le Japon voit le nombre de suicides flamber pour la première fois depuis 2009. Un phénomène social urgent, auquel le gouvernement nippon compte répondre par la création, ce 19 février, d’un ministère chargé de la lutte contre la solitude.
Un nouveau ministère, celui de la Solitude et de l’Isolement, voit le jour au pays du soleil levant. Le gouvernement japonais vient de créer au sein du Secrétariat du Cabinet, une nouvelle cellule chargée de lutter contre la hausse de nombre de suicides depuis le début de la pandémie de Covid-19. Le Premier ministre Suga Yoshihide a nommé à sa tête le ministre chargé de la Revitalisation régionale, Sakamoto Tetsushi. « Mettons-nous à la place de ceux qui sombrent dans le désespoir », a déclaré le nouveau ministre lors de l’inauguration son office, le 19 février dernier.
Avec la création du nouveau ministère, l’exécutif souhaite centraliser différentes compétences en matière de lutte contre la solitude jusqu’alors réparties dans différents ministères, rapporte le journal conservateur Sankei Shinbun. Alors que la lutte contre le suicide et la surveillance des personnes âgées relevaient du ministère de la Santé, le Secrétariat du Cabinet, lui, se chargeait du combat contre la précarité. La lutte contre le mal-être des étudiants, elle, faisait partie des prérogatives du ministère de l’Éducation. Le nouveau ministère élaborera d’ici mai prochain, un ensemble de mesures visant à freiner le nombre de Japonais mettant fin à leurs jours, en augmentation pour la première fois depuis 2009.
La santé mentale des Japonais en péril
Selon un bilan provisoire de l’agence nationale de police et du ministère de la Santé, 20 919 personnes se sont donné la mort dans le pays en 2020, 750 de plus qu’en 2019. La tendance est plus remarquable chez les femmes, avec 6 976 cas de suicide recensés en 2020, 885 de plus que l’année d’avant, d’après le quotidien Nihon Keizai Shinbun. Chez les jeunes, le taux de suicide est à son niveau le plus élevé depuis 1980, avec 440 cas recensés en 2020, dont 13 écoliers, 120 collégiens et 307 lycéens.
Si le Japon a l’un des taux de suicide les plus élevés au monde, le nombre de suicides avait diminué pendant dix années consécutives depuis 2009. En 2019, le pays avait recensé 20 169 cas de suicide, le nombre le plus bas depuis le début du recensement en 1978.
La pandémie semble avoir inversé cette tendance, affectant en particulier les femmes qui représentent une part plus élevée de travailleurs à temps partiel où les licenciements ont été importants. Pour celles qui ont pu conserver leurs emplois, la fermeture des écoles au début de l’année 2020 a été perçue comme un fardeau, les obligeant à garder leurs enfants tout en travaillant.
Au Japon, la stigmatisation culturelle liée aux problèmes de santé mentale reste une des raisons principales d’un taux de suicide élevé, au même titre que les longues heures de travail, la pression scolaire ou encore l’isolement social. Les experts affirment que la honte et l’anxiété liées aux licenciements contribueraient à la dépression et à l’augmentation des taux de suicide dans le pays.
Sources : Nihon Keizai Shinbun, Sankei Shinbun, Jiji Press, CNN
Rédacteur : Elie Guidi
Secrétaire de rédaction : Louise-Anne Delaune
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