Au Japon, l’âge du départ à la retraite des procureurs est actuellement fixé à 63 ans. Le Premier ministre souhaite le reporter à 65 ans, voire 68 ans pour les dirigeants du parquet. Cependant, son projet provoque l’indignation générale, créant un mouvement de contestation inédit.
Depuis plus d’une semaine, le Premier ministre japonais Abe Shinzo et son gouvernement sont sous le feu des critiques. En effet, son projet d’amendement législatif reportant l’âge du départ à la retraite des procureurs fait aujourd’hui face à une forte mobilisation de l’opposition et de l’opinion publique. En février dernier, le gouvernement avait accordé un sursis de six mois à Kurokawa Hitomu, procureur général de Tokyo de 63 ans. Réputé proche des membres du Cabinet, M. Kurokawa est pressenti pour prendre la tête du parquet national. En dépit des nombreuses critiques, le gouvernement avait approuvé le 13 mars un amendement permettant de rectifier la Loi sur l’Office des Procureurs publics. Celui-ci accordait au Cabinet le droit exceptionnel de reporter l’âge de départ à la retraite des magistrats du ministère de la Justice, vraisemblablement pour assurer l’avenir de M. Kurokawa. Cependant, la crise sanitaire de la COVID-19 a temporairement interrompu les réformes de la magistrature.
L’exécutif soupçonné de vouloir bloquer les enquêtes le mettant en cause
La colère a resurgi lorsque le gouvernement a récemment manifesté sa volonté de faire adopter ce projet d’amendement. L’opposition est indignée, accusant le Premier ministre d’interférer dans le fonctionnement de la justice. Pour elle, le procureur général de Tokyo servirait à bloquer les enquêtes menaçant le gouvernement actuel, notamment les affaires de favoritisme impliquant les entreprises du secteur éducatif telles que Moritomo et Kake Gakuen. A la suite d’un débat intense, le gouvernement et le Parti libéral-démocrate (PLD, au pouvoir), ont finalement renoncé le 15 mai à faire approuver cet amendement par la Commission du Cabinet de la Chambre des Représentants.
« S’il vous plaît, ne détruisez pas le pays »
La mobilisation contre ce projet d’amendement s’organise désormais en dehors de l’hémicycle. Sur Twitter, le mot-dièse « je proteste contre le projet de réforme du parquet » est devenu populaire. De nombreuses personnalités et célébrités se sont ralliées au mouvement de contestation, tel l’acteur Iura Arata qui a posté le 9 mai : « S’il vous plaît, ne détruisez pas le pays ». 14 anciens procureurs généraux ont quant à eux remis à la ministre de la Justice un mémoire commun exigeant le retrait de la proposition d’amendement. Certains membres du PLD s’insurgent, à l’instar de Ishiba Shigeru, ancien secrétaire général du parti et rival du Premier ministre. « Nous ne devons pas oublier que le Troisième Reich est né de la constitution la plus démocratique au monde », prévient-il sur son blog vendredi 15 mai.
Sources : Sankei Shinbun, Jiji Press, Tokyo Shinbun, Asahi Shinbun, Kyodo News, Mainichi Shinbun, Reuters, Le Monde
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