Quinze pays autour de l’océan Pacifique ont conclu 15 novembre, le partenariat économique régional global (RCEP) lors du sommet virtuel de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean). Il s’agit du plus grand accord de libre-échange au monde, dont les membres capteront 46% des exportations japonaises.
La plus grande zone de libre-échange au monde voit le jour. Les dix membres de l’Asean ainsi que cinq autres Etats (Japon, Corée du Sud, Chine, Australie, Nouvelle-Zélande) ont signé, ce 15 novembre, le RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership), après huit ans de négociations. Le nouveau bloc économique représente environ 30% du produit intérieur brut mondial et 2,3 milliards de personnes. Un accord, jugé trop favorable à la Chine, qui représente néanmoins une étape importante de la politique commerciale du Japon.
Vu de l’Archipel, le RCEP établit une première structure d’échanges libéralisés avec la Chine et la Corée du Sud, ses premier et troisième partenaires commerciaux. Ces derniers devront éliminer progressivement les droits de douane sur les exportations japonaises, telles que le saké ou le shōchū. Si le RCEP vise à réduire de façon globale les droits de douane sur une variété de produits agricoles et industriels, le Japon conservera les droits de douane sur cinq produits agricoles importés (riz, blé, bœuf, porc, produits laitiers et culture sucrière). Des droits, considérés comme « inaliénables » pour les agriculteurs nippons, souligne le quotidien conservateur Sankei Shinbun.
Le RCEP établit également de nouvelles règles sur le commerce électronique, la propriété intellectuelle ou encore l’origine géographique. Un ensemble de mesures dont le but principal est de « ligoter et surveiller la Chine », avait déclaré à Sankei Shinbun un cadre du ministère japonais des Affaires étrangères. Pékin est constamment accusé de porter atteinte à la propriété intellectuelle d’autres Etats.
Souvent désigné à tort comme « dirigé par la Chine », le RCEP ne semble pas être un cadre féodal en faveur de Pékin. « Le RCEP (…) est un triomphe de la diplomatie moyenne de l’Asean. Ni la Chine ni le Japon, les premières économies de la région, n’étaient politiquement acceptables comme architectes du projet », rappellent Peter A. Petri, du centre John L. Thornton sur la Chine, et Michael Plummer, de l’université Johns-Hopkins.
Impliqué économiquement en Asie du Sud-Est depuis les années 1960, le Japon a toujours appuyé le processus. Il cherche à maintenir une avance sur la Chine dans cette région, en particulier en matière d’investissements dans les infrastructures. Selon Le Monde, les investissements nippons dans six Etats membres de l’Asean étaient évalués à 309 milliards d’euros, contre de 215 milliards d’euros pour la Chine.
Le multilatéralisme en Asie après le désengagement des Etats-Unis
Le RCEP s’ajoutera au partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), autre zone de libre-échange établie en 2018 avec dix pays riverains du Pacifique. Les Etats-Unis protectionnistes de Donald Trump avaient décidé de ne pas y participer.
En janvier 2017, Washington s’était désengagé de l’accord de partenariat transpacifique (TPP), un projet prédécesseur du PTPGP. Une proposition pourtant américaine, qui faisait partie d’une stratégie impulsée par le président Barack Obama du « Pivot asiatique ». Il consiste à une combinaison d’intensification du commerce multilatéral et d’un renforcement de présence militaire américaine dans le Pacifique. Les Etats-Unis représentaient 60% du PIB du TPP. Le retrait américain avait fortement impacté la politique commerciale que le Japon s’était construit autour du TPP.
Aujourd’hui, de nombreux domaines couverts par le PTPGP sont également couverts par le RCEP. « La signature est extrêmement importante pour la réalisation d’un ordre économique international libre et ouvert », avait réagi Nakanishi Hiroaki, président du Keidanren, principale confédération patronale japonaise.
L’ambition du RCEP reste limitée. Il ne prévoit, à terme, de ne supprimer qu’un maximum de 91,5% des droits de douane sur les exportations industrielles japonaises – contre 100% dans le PTPGP. En outre, après le retrait américain du TPP en 2017, c’est au tour de l’Inde de quitter les négociations du RCEP en 2019. New Delhi se disait préoccupé par l’impact du RCEP sur certains secteurs de son économie, notamment agricole. Une décision, liée particulièrement à sa rivalité avec la Chine en matière de produits industriels, et avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande dans le commerce des produits laitiers. Le gouvernement indien et son Premier ministre, Narendra Modi, affirment ne pas vouloir rejoindre le traité tel qu’il est actuellement.
Si l’Inde ne s’était pas retirée, le bloc économique du RCEP devait représenter plus de 30% du PIB mondial et 45% de sa population.
Sources : Sankei Shinbun, NHK, Le Monde, Japan Times
Rédacteur : Elie Guidi
Secrétaire de rédaction : Louise-Anne Delaune
Comments