Jusqu'à présent le Japon baptisait ses ères impériales – ou gengo en japonais – à partir de classiques chinois mais, pour la première fois de son histoire, il a cette fois-ci choisi pour le règne à venir un nom extrait du Manyo-shu, la plus ancienne anthologie poétique nipponne, compilée au VIIIème siècle.
Initiée par l’abdication historique d'Akihito, empereur en titre jusqu'au 30 avril et père du futur monarque, la nouvelle ère impériale « Reiwa » débutera le 1er mai, jour de l’avènement au trône du Prince héritier Naruhito. Yoshihide Suga, Secrétaire général du Cabinet, a dévoilé lundi 1er avril les deux idéogrammes de « Reiwa », calligraphiés sur une feuille de papier blanc cernée d'un cadre en bois.
Le système de datation fondé sur les ères impériales ne figurant pas dans la Constitution de 1947, l’empereur Akihito et le Prince héritier ne peuvent donner leurs avis et, dans le cadre de la législation de 1979, il revient au gouvernement de choisir un gengo. « Symbole de l’État et de l’unité du peuple », sans autre fonction que protocolaire, l’empereur a été informé du nom de la nouvelle ère peu avant l'annonce publique.
Que signifie « Reiwa » ?
« Le choix du nouveau gengo se veut un message aux citoyens », a précisé M. Suga. A la suite de l’annonce publique par le porte-parole de l’exécutif, le Premier ministre Shinzo Abe en personne a précisé la signification de cette nouvelle ère : « Quand les cœurs sont en harmonie, la culture peut fleurir », a-t-il déclaré tout en réitérant son engagement personnel pour que cette nouvelle époque soit placée « sous le signe de l’espoir ». Selon lui, le nouveau gengo représenterait « l’épanouissement d’une culture dans laquelle les êtres sont en harmonie ». Cependant, sa traduction étant particulièrement difficile, les médias étrangers l’ont rendue de différentes manières, comme par exemple « ordre et harmonie » pour BBC. Pour mieux restituer la signification du gengo, le ministère japonais des Affaires étrangères a notifié par l’intermédiaire de ses ambassades auprès de l’ONU, de l’Union européenne et des 195 États reconnaissant le Japon que la traduction officielle de Reiwa serait « belle harmonie ».
Les Japonais et les gengo
La division du temps en ères est à l’origine une pratique chinoise, et toutes les 247 ères que le Japon a comptées jusqu’aujourd’hui ont été désignées par des noms issus de textes classiques chinois. Depuis Meiji (1868 – 1912), le Japon entre dans une nouvelle ère dès l'intronisation d’un nouvel empereur. Avec l’abdication d'Akihito prévue le 30 avril, l’ère Heisei (« accomplissement de la paix », inaugurée en janvier 1989), va ainsi laisser la place à « belle harmonie ».
Selon les sondages réalisés par l’agende de presse Kyodo-News, 73,7% des Japonais ont une bonne impression du nouveau nom de l’ère choisi par le gouvernement. Les actes administratifs étant toujours datés en fonction de l’ère impériale, les Japonais continuent à vivre dans deux temporalités : un temps mondialisé, basé sur le calendrier grégorien, et un temps japonais. Cependant, cette double datation contraint les Nippons – et un grand nombre de résidents étrangers – à une gymnastique mentale pour convertir telle date dans l'un ou l'autre des systèmes. Mais comme le souligne un article du Monde daté du 1er avril, les Japonais s’en accommodent : les ères sont vécues comme une tradition et marquent un écoulement du temps proprement national. Le nom d’une ère est perçu comme le symbole d’une époque, mais comme d’autres, cette tradition recule : on estime qu’un tiers de la population utilise encore la datation japonaise dans la vie courante, contre 80% en 1975.
Sources : Nihon-Keizai-Shimbun, TV-Asahi, Sankei-Shimbun, Asahi-Shimbun, Kyodo-News, Courrier international, Le Monde
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