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Photo du rédacteurElie Guidi

Le difficile combat contre la précarité menstruelle au Japon

Dernière mise à jour : 2 mars 2021

Rapportant que les protections hygiéniques seront désormais gratuites en Écosse, le quotidien japonais Mainichi Shinbun souligne ce vendredi 11 décembre, le manque d’engagement de l’exécutif nippon dans la lutte contre la précarité menstruelle. Si un taux réduit de TVA a été instauré dans l’Archipel il y a un an, il ne concerne pas les produits de protection hygiénique féminine.


Le Mainichi Shinbun salue l’initiative de l’Écosse, une première dans le monde. Le quotidien progressiste nippon a rapporté, vendredi 11 décembre, que le Parlement écossais a approuvé un projet de loi rendant gratuit l’accès aux protections périodiques pour les femmes. Parallèlement, le Mainichi Shinbun a rappelé que ces produits au Japon restent taxés à hauteur de 10%, et ce, malgré l’introduction d’un système de TVA à taux réduit en 2019. Une situation, qui fait montre de la faible implication du gouvernement japonais dans la lutte contre la précarité menstruelle.


En octobre 2019, lors du passage de la TVA de 8 à 10%, de nombreuses associations et organisations avaient réclamé l’application d’une TVA à taux réduit (8%) pour les protections hygiéniques qu’elles jugeaient « essentielles » pour la vie quotidienne. Cependant, le Komeito – parti politique bouddhiste au pouvoir avec le Parti libéral-démocrate (PLD) – avait insisté pour que la TVA à taux réduit soit uniquement appliquée aux produits alimentaires. Ce même parti avait justifié sa position, soulignant qu’étendre l’application de 8% de la TVA à tous les produits essentiels « perturberait les consommateurs » pour les distinguer des produits imposés à 10%.


Durant la dernière décennie, plusieurs États se sont engagés pour lutter contre la précarité menstruelle. Les produits périodiques ont été détaxés au Canada dès juillet 2015 et en Australie dès janvier 2019. En France et en Allemagne, ils sont imposés par une TVA à taux réduit respectivement de 5,5% et de 7%. Mais au Japon, aucun projet ou proposition de loi n’a vu le jour pour mettre en place de telles mesures.


Une pétition sur Change.org, réclamant une TVA à taux réduit de 8% pour les protections hygiéniques, a d’ores et déjà rassemblé plus de 42 800 signatures. Une initiative, lancée par Taniguchi Ayumi, étudiante à International Christian University (Tokyo). Pour cinq jours de règles tous les mois entre 12 et 50 ans, les femmes japonaises sont « contraintes de verser environ 500 000 yens (équivalent de 3970 euros) » pour ces produits, rappelle-t-elle sur le site. Une autre étudiante lui a confié que ses « salaires de job étudiant disparaissaient pour l’achat des protections périodiques. »



L’ancien Premier ministre Abe Shinzo avait affirmé sa volonté en 2014 pour réaliser une société où « toutes les femmes brillent ». Taniguchi Ayumi souligne que les femmes « ne brilleront pas », tant que le revenu moyen d’une femme japonaise au cours de sa vie ne représente que 70% de celui d’un homme, ou encore que ces produits essentiels ne soient pas détaxés. Ces injustices, selon elle, sont à l’origine de la précarité menstruelle dans l’Archipel. Et le Japon traîne à la 121e place dans le classement du Forum économique mondial en matière d’égalité sexuelle en 2020.


Le Japon, un « ancien bon élève » en matière de congé menstruel


Si le Japon est aujourd’hui peu engagé à lutter contre la précarité menstruelle, il a été le premier pays au monde à mettre en place un congé menstruel. A la suite des revendications du mouvement ouvrier en 1917, il est accordé pour la première fois en 1932. Il a été finalement instauré dans la législation, après la Seconde Guerre mondiale (article 68 de la loi sur les normes de travail, 1947). Une mesure, qui est parfois considérée sexiste. En effet, elle risque, pour certains, d’accroître la discrimination opérée envers des femmes à l’embauche. Or, l’article 4 alinéa 2 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) dispose que « la protection spéciale de la maternité n’est pas considérée comme une discrimination. »


Même si la législation japonaise précise que les règles entraînent des « difficultés à travailler », les femmes japonaises restent réticentes pour évoquer ce thème au travail. Les entreprises, elles, proposent officiellement un congé menstruel alors que peu de Japonaises en prennent.


Selon une étude sur l’égalité des chances pour les emplois, réalisée en 2015 par le ministère japonais de la Santé, du Travail et des Affaires sociales, 25,5% des employeurs de l’Archipel accordent un congé menstruel payé en 2014, contre 42,8% en 2007. Entre avril 2014 et mars 2015, seulement 0,9% des Japonaises ont pris un congé menstruel, alors qu’en 1965, ce sont près de 26,2% d’entre elles qui en prenaient.


Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer le fait que peu de Japonaises prennent leur congé menstruel. Certains estiment qu’il y a trop de travail ou de pression sociale pour prendre des congés, et d’autres soulignent le tabou d’aborder ce sujet au travail. Mais surtout, beaucoup de Japonaises ignorent son existence.


Sources : Les Echos

Sources : Mainichi Shinbun, Asahi Shinbun, Change.org, ministère japonais de la Santé, du Travail et des Affaires sociales

Rédacteur : Elie Guidi

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