Le prince héritier Fumihito – frère de Sa Majesté l’Empereur Naruhito – a proclamé, dimanche 8 novembre, son statut d’héritier présomptif du trône du chrysanthème, lors des cérémonies au palais impérial. La fille de Sa Majesté – la princesse Aiko – est quant à elle exclue de la succession impériale, faute de législation favorable en vigueur . Le gouvernement nippon souhaite à cette occasion entamer les discussions sur la manière d’assurer une succession stable.
Le prince héritier Fumihito est officiellement à la première place dans l’ordre de succession au trône du chrysanthème. Des cérémonies ont été organisées, dimanche 8 novembre, au palais impérial (Tokyo) pour célébrer son nouveau statut du hériter présomptif du trône du Japon. Un statut qu’il avait acquis le 1er mai 2019, conformément à la loi de la maison impériale de 1947. Loi qui, depuis plus sept décennies, exclue les femmes de la succession.
Appelées « Rikkoshi no rei », ces cérémonies codifiées marquent la proclamation officielle du statut du prince héritier, suivie de la rencontre de ce dernier avec l’empereur et l’impératrice. Le 5 novembre, Sa Majesté avait procédé à l’envoie d’une ambassade pour annoncer l’ascension du prince héritier au sanctuaire d’Ise, le sanctuaire le plus sacré du shintoïsme.
Initialement prévues pour le 19 avril 2020, ces cérémonies ont été reportées en raison de la crise sanitaire de la Covid-19. Les préparatifs de « Rikkoshi no rei » prennent en général un mois après la confirmation du calendrier par le gouvernement.
Succession instable et réservée aux hommes
L’ordre de succession est régie par la loi de la maison impériale de 1947. Avec l’entrée en vigueur de cette loi, la taille de la famille impériale japonaise s’est rétrécie. Aujourd’hui, elle compte 16 membres dont 13 femmes. Cependant, la loi dispose que seuls les hommes de la lignée paternelle peuvent monter sur le trône du chrysanthème : les femmes en sont donc exclues. Elle dispose également que les femmes membres de la famille doivent abandonner leur statut impérial après à un mariage à un roturier. Cette loi concerne directement la princesse Aiko, fille unique de Sa Majesté l’Empereur et Sa Majesté l'Impératrice Masako.
Après l’abdication du 125e empereur du Japon, Akihito, et l’intronisation de l’actuel empereur, le prince héritier Fumihito (54 ans) se trouve ainsi à la première place dans l’ordre de succession au trône. Il est suivi par son fils, le prince Hisahito (14 ans), et son oncle, le prince Masahito (84 ans).
Le tabou de la « lignée maternelle » chez les conservateurs
Le Premier ministre japonais, Suga Yoshihide, a déclaré vouloir entamer des discussions sur la manière d’assurer une succession impériale stable après ces cérémonies de proclamation, lors de la commission budgétaire à la Chambre des Représentants, mercredi 4 novembre.
Le Secrétaire général du Cabinet et porte-parole du gouvernement, Kato Katsunobu, a confirmé la position du gouvernement conservateur quant à la réforme de la loi de 1947. « Maintenir une succession impériale stable est un enjeu extrêmement important qui concerne le fondement même de la nation. En tenant compte de l’importance de la tradition de la succession par la lignée paternelle - préservée sans interruption depuis l’ancien temps - il est nécessaire d’étudier les différentes options avec prudence », lors d’une conférence de presse, vendredi 6 novembre.
Le Parlement avait exigé du gouvernement, le 9 juin 2017, d’étudier le plus rapidement possible les différentes possibilités de la succession impériale, au moment du vote du projet de loi autorisant l’empereur émérite Akihito à abdiquer. Le gouvernement n’a pas jugé utile cette question, et ne l’a pas traité avant ce jour.
En effet, la notion de la lignée maternelle reste un tabou pour les conservateurs. Ils refusent la succession impériale par la lignée maternelle, et préfèrent opter pour le retour des anciens membres de la famille impériale, tous de la lignée paternelle. Mais une partie de la famille impériale, depuis 70 ans, a été rétrogradée au statut de roturier, ce qui remet en question leur légitimité et leur capacité à réintégrer la famille impériale.
Les progressistes et une partie des centristes sont, quant à eux, favorables à une éventuelle succession par la lignée maternelle. Une telle révision de la loi rendrait possible l’intronisation de la princesse impériale Aiko. Une proposition, qui séduit une partie du gouvernement, tout comme Kono Taro, actuel ministre chargé de la Réforme administrative. « Il faut réfléchir pour qu’un enfant des femmes impériales - à commencer par la princesse impériale Aiko - puisse devenir empereur », avait-il tranché, le 23 août dernier.
L’opinion japonaise favorable à la révision de la loi de 1947
Il faut rappeler que le Japon a connu huit impératrices entre 592 et 1770. Toutes, et sans aucune exception, avaient succédé au trône par la lignée paternelle. Dans l’éventualité ou la princesse Aiko accédait au trône, son enfant, fille ou garçon, ne pourrait lui succéder, ce qui bloquerait de nouveau la succession.
Selon un sondage mené par le quotidien Asahi Shinbun en octobre 2019, 76% des Japonais sont favorables à des impératrices de la lignée paternelle. 74% des Japonais se sont également prononcés en faveurs des empereurs et des impératrices de la lignée maternelle.
Sources : Kyodo News, Asahi Shinbun, Jiji Press, Sankei Shinbun, The Japan Times, Mainichi Shinbun
Rédacteur : Elie Guidi
Secrétaire de rédaction : Louise-Anne Delaune
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