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Photo du rédacteurElie Guidi

L'affaire Carlos Ghosn fait trembler les relations diplomatiques franco-japonaises

Dernière mise à jour : 14 déc. 2018

A la suite de la demande du gouvernement français, un sommet s'est tenu le vendredi 30 novembre à Buenos Aires (Argentine) entre le Premier ministre japonais Shinzo Abe et le Président français Emmanuel Macron, confirmant le besoin de préserver la stabilité de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi après l'arrestation au Japon de Carlos Ghosn, PDG de Renault.

Shinzo Abe et Emmanuel Macron, à Buenos Aires, le jeudi 30 novembre. (Source : jiji.com)

Soupçonné d’avoir minoré ses rémunérations, l’ex-président du constructeur japonais Nissan a été arrêté le lundi 19 novembre. La justice japonaise a, ce 30 novembre, prolongé la garde à vue de Carlos Ghosn de dix jours, en réponse à une demande du parquet de Tokyo. M. Ghosn restera donc en détention jusqu’au 10 décembre, soit vingt-deux jours au total, le maximum permis par la législation japonaise dans le cadre de poursuites par le parquet. Selon un article du Monde publié à la même date, le président déchu de Nissan pourrait soit être libéré sans charges, soit de nouveau placé en garde à vue pour de nouvelles accusations, soit inculpé. Dans ce dernier cas, il pourrait être soit immédiatement incarcéré, soit relâché sous caution.


L'arrestation de M. Ghosn a de nouveau poussé Nissan à tenter d'affaiblir le contrôle exercé par Renault sur l’Alliance, élargissant ainsi les défis auxquels Emmanuel Macron se trouve confronté en France. Le président français, dont le gouvernement a fait pression à plusieurs reprises sur le Japon pour que celui-ci partage les preuves mises à jour par l’enquête interne de Nissan, « a pour sa part rappelé son attachement à ce que l’alliance soit préservée de même que la stabilité du groupe » selon un responsable de l’Élysée au sortir du sommet avec Shinzo Abe en Argentine. La présidence française ajoute : « L'échange sur Renault a été succinct, avec simplement le rappel que la procédure judiciaire devait suivre son cours ».


Les pourparlers entre les deux dirigeants se sont déroulés dans un climat diplomatique tendu à la suite des propos tenus par le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire. En se plaignant de ne pas avoir été informé précisément des charges pesant contre Carlos Ghosn, il a déclaré que son homologue japonais, Hiroshige Seko, avait convenu lors d'une précédente entrevue à Paris que les participations bilatérales resteraient inchangées. A la suite de quoi M. Seko, fort mécontentement, a nié tout accord de ce type dans une rare lettre officielle de protestation envoyée à M. Le Maire, selon le quotidien japonais Mainichi Shinbun. De plus, les représentants du personnel de Renault ont également critiqué M. Le Maire. « Le gouvernement en fait trop, il doit rester à sa place », a dit le responsable d’un syndicat du groupe au losange. « Ça peut être contre-productif », a-t-il rajouté.


A Tokyo, le parquet commence à s’agacer des critiques sur sa gestion du dossier Ghosn. Dès jeudi, Shin Kukimoto, le procureur adjoint de Tokyo, a profité d’une conférence de presse pour s’offusquer des commentaires français. « Chaque pays a sa propre histoire, sa propre tradition, son propre système judiciaire », a-t-il déclaré. « Je ne critique pas les règles des autres pays juste parce qu’elles sont différentes, et je trouve cela malvenu de le faire ». Il a ensuite ajouté que Carlos Ghosn resterait en détention tant que cela sera jugé nécessaire par l’instruction.


La détention de M. Ghosn laisse l’alliance automobile mondiale sans chef et sans interlocuteur auprès du gouvernement français, qui détient 15% du capital de Renault et qui souhaite maintenir la structure actuelle de l’alliance. Cependant, Hiroto Saikawa, directeur général de Nissan, a toutefois précisé que son entreprise souhaitait affaiblir le contrôle de sa société mère – plus petite sur le plan économique – lors de la révision de sa gouvernance. En effet, la participation de 43,4% de Renault dans Nissan garantit l’obtention de la majorité des voix lors des assemblées générales, tandis que la participation réciproque de 15% de Nissan dans Renault ne donne aucun droit de vote.


En tant que ministre de l’Économie, Emmanuel Macron avait mené en 2015 l’augmentation de la participation du gouvernement français dans Renault, ce qui avait suscité une certaine appréhension au sein de Nissan, à savoir que l’Élysée cherchait à exercer davantage d’influence sur le constructeur japonais. Ce jeudi 29 novembre, à l'issue de la réunion des dirigeants du groupe à Amsterdam, la première depuis l’arrestation de Carlos Ghosn, Renault, Nissan et Mitsubishi ont « réitéré avec force » leur engagement envers l’Alliance. Le président de Mitsubishi, Osamu Masuko, a déclaré que la révision de la structure du capital n’a pas été évoquée lors de cette réunion.



Sources : Le Monde, Les Echos, Reuters, Sankei Shinbun, TBS News, NBC News, Mainichi Shinbun

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