Après que la Cour suprême sud-coréenne a ordonné, mardi 30 octobre, à un géant japonais de l’acier de dédommager des travailleurs forcés de la Seconde Guerre mondiale, Tokyo dénonce ce jugement qui provoque une nouvelle querelle entre les deux États.
Il s’agissait du dernier acte du marathon judiciaire qui dure depuis 21 ans. Le 30 octobre, la plus haute juridiction de Corée du Sud a ordonné à Nippon Steel & Sumitomo Metal (NSSM) de dédommager le travail forcé. Quatre Sud-Coréens – dont un seul est encore en vie -- accusaient l’entreprise de les avoir contraints à travailler dans ses aciéries entre 1941 et 1943. La justice sud-coréenne confirme ainsi un jugement de première instance attribuant à chaque victime 100 millions de wons de dédommagements (77 000 euros). A l'issue de cette décision, le Premier ministre sud-coréen Lee Nak-yeon a dit vouloir préparer une série de mesures afin d’éviter une détérioration des relations avec Tokyo, tout en respectant la décision du pouvoir judiciaire. De même, Chosun Ilbo, un quotidien sud-coréen de sensibilité conservatrice, a appelé le gouvernement à « réfléchir à des mesures permettant un retour de la confiance entre le Japon et la Corée du Sud », prenant de la sorte compte de la position de Tokyo qui se dit prêt à une véritable « guerre diplomatique ».
Au Japon, le Premier ministre Shinzo Abe a dénoncé un arrêt « impossible » au regard du droit international, ajoutant que le problème avait été réglé par le traité de 1965. « Le gouvernement japonais fera face à cette question avec fermeté », a-t-il dit devant les parlementaires à Tokyo. Quant au ministre des Affaires étrangères Taro Kono, il a convoqué l’ambassadeur de Corée du Sud, prévenant que Tokyo saisirait une juridiction internationale « si les mesures appropriées n’étaient pas prises immédiatement ». Selon le journal Sankei-Shinbun du mardi 30 octobre, le gouvernement japonais est désormais frappé de stupeur, et « n'a pas d’autre choix stratégique que d’ignorer Séoul », selon un cadre du ministère des Affaires étrangères ; pour sa part, un haut fonctionnaire estime que « finalement, la démocratie ne fonctionnerait pas en Corée du Sud ». La justice sud-coréenne est souvent critiquée, même par les grands médias du pays, pour sa tendance à se conformer avant tout à l’opinion publique, mais aussi pour la légèreté avec laquelle elle considère le principe de la légalité pénale.
Jusqu’au jour de cette décision, Tokyo et Séoul estimaient que le Traité nippo-sud-coréen du 22 juin 1965 mettait fin à toute réclamation en justice pour des dédommagements. Selon l’agence de presse sud-coréenne Yonhap, l’administration précédente de Park Geun-hye avait même présenté en novembre 2016 à la justice sud-coréenne, un document confirmant la position de son gouvernement sur cette question.
Les relations nippo-coréennes sont ternies par des contentieux sociaux-historiques et territoriaux hérités de la colonisation de la péninsule coréenne par le Japon (1910 – 1945) mais également les invasions de Hideyoshi Toyotomi à la fin du XVIème siècle, comme par exemple les femmes de réconfort de l’armée impériale nippone, les travailleurs forcés, le litige sur les rochers Liancourt (Takeshima en japonais, Dokdo en coréen), ou encore le récent débat autour du drapeau du Soleil levant de la Force maritime d’autodéfense japonaise considéré en Corée comme un symbole de l’impérialisme nippon.
Sources : Nippon TV, Jiji Press, Yonhap, Asahi-Shinbun, Sankei-Shinbun, l’Express, Chosun Ilbo
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